Centre Terre, une association membre de la Fédération Française de Spéléologie, agréée Education Nationale


Mise à jour du 14 février 2023

Tous au Egg

Le 3 février, c'est l'effervescence au camp glacier. Il faut démonter ce camp temporaire et charger le tout sur les trois bateaux, le lieu devant être rendu à la nature dans l'état où il a été trouvé. Le lendemain la situation météo se dégrade rapidement sur la zone dès 6h, telles que les prévisions l'annonçaient. L'heure du départ a sonné pour le Paz Austral et le Note Rindas, qui sont les deux premiers bateaux à lever l'ancre en direction l'Estero Egg. Durant les premières heures de navigation, les capitaines zigzaguent entre les glaçons flottants provenant du glacier. La navigation est encore paisible... C'est dans l'après-midi que tout se corse ! La houle forcit et les vagues submergent presque la proue des bateaux, leur creux atteignant 2 à 3 mètres. Les « marins d'eau douce » que nous sommes prennent soit des cachets pour résister au mal de mer qui les ronge, s'allongent en fond de cale ou prennent l'option de fixer l'horizon solidement calés dans le bateau. Le vent et la pluie font rages, le matériel sur les ponts est solidement arrimé, une sage précaution prise par le capitaine mais qui n'empêche toutefois pas de contrôles réguliers.

Tout à coup un hurlement retentit à l'arrière du Paz Austral : STOP !! STOP !! Le zodiac attaché à la traîne s'est retourné d'un coup, levé par le vent comme une feuille de papier malgré ses quelques 300kg. Le moteur baigne maintenant dans l'eau et ses pagaies sont sans aucun doute définitivement perdues. Le sauvetage de ce moteur s'avère être, dans ces conditions de navigation, une opération particulièrement complexe. En effet, les facteurs combinés du vent et de la houle ne permettent pas au capitaine de pouvoir ralentir son embarcation sans l'exposer au risque de chavirer. Aussitôt, une stratégie de retournement est finement pensée et mise en œuvre. Dans un premier temps, le zodiac en perdition est mené à l'aide d'une traîne sur le côté du bateau le plus exposé au vent, puis dans un second temps, le zodiac est soulevé par sa partie latérale accessible afin que le vent surpuissant provoque son retournement. Une opération à peine croyable qui finit par fonctionner après une demi-heure d'efforts à quatre personnes... Coup de chance, la gonfle et le moteur sont donc sauvés !

Sur l'autre bateau, le Note Rindas, c'est une barque en bois tenue à la traîne qui s'est détachée. Le capitaine réactif a heureusement pu faire demi-tour en pleine tempête pour récupérer la barque à demi-noyée à temps et la raccrocher au bateau. Mais dans la manœuvre exposée, la barque s'est vue passer sous le bateau, au risque fort de perte ou de voir sa propre corde de traîne happée par l'hélice du bateau, ce qui aurait pu être dramatique ! Pendant ce temps, sur le Don Tito (l'embarcation la plus lente du trio) les visages sont blêmes, car sous les coups de boutoir de la houle, c'est carrément une partie du revêtement plastique de protection de la proue du bateau qui s'est détachée et envolée sous les yeux effarés de ses passagers... Le 5 février au soir, le Paz Austral et le Note Rindas, rejoignent l'Esterro Egg... De son côté, le Don Tito n'arrive lui que le 8 février... soit près de 4 jours après son départ de l'Estero Calvo !!

La navigation dans les canaux intérieurs n'est pas toujours calme
La navigation dans les canaux intérieurs n'est pas toujours calme
La navigation dans les canaux intérieurs n'est pas toujours calme
La navigation dans les canaux intérieurs n'est pas toujours calme

Le 6 février toute l'équipe présente sur la base de vie du Egg est mobilisée pour un très grand moment de partage. Il faut tout mettre en place pour assurer une visioconférence en direct du camp de base patagon avec un réseau de classes situées en France, toutes connectées à la même heure. Ce grand moment de partage débute à 10h en heure locale (soit 14h en France) pour 1h30 d'échanges avec plusieurs centaines d'élèves. Les questions et les réponses fusent sans arrêt abordant tous les sujets (logistique, découvertes, difficultés, aspects scientifiques, ethnologiques....). Une très belle opération d'échanges portée par Centre Terre en étroite collaboration avec le Rectorat de l'Académie de Toulouse, coordinateur et organisateur technique de cette visioconférence multi-classes. Cette action s'inscrit plus largement dans le cadre du projet scolaire de Centre Terre qui rassemble au total plus de 1000 élèves engagés dans le suivi d'UP-2023.

Découvertes au camp Champis

Le 7 février, Alex H., Charlotte, Cédric, Jessica, Raphaël, Marie, Didier, Bruno et Lionel sont sur les starting-blocks, ils partent pour 3 jours au camp avancé baptisé « camp des Champis » (en référence aux champignons karstiques, découverts sur cette zone). L'objectif est double : explorer les cavités référencées les jours précédents et réaliser des relevés photogrammétriques de quelques champignons et comètes de roche, sous l'œil de la caméra de Bruno.

Il faut quelques 3 h 30 de marche pour accéder à ce camp depuis la base de vie, en prenant le temps de découvrir le paysage. Le groupe est guidé par Alex et Cédric qui connaissent parfaitement le chemin. L'équipe repère au passage une cavité prometteuse : la perte « 25m nage libre », dénommée ainsi en référence à la nuit arrosée que passera Alex dans sa tente...

Une fois les affaires déposées au camp, trois équipes sont constituées : deux en partance pour de l'exploration spéléologique, une pour assurer des relevés 3D sur les champignons karstiques repérés. Côté spéléo, Charlotte, Cédric et Lionel vont explorer et topographier la « Perte Champignon ». Il s'agit d'un puits oblique de 20m de profondeur qui se termine par un siphon. Plus tard dans la journée, Alex et Lionel attaquent également l'exploration d'une autre cavité dénommée « la Faille proche des Champignons ». Là, ils descendent un puits d'entrée de 45 mètres, avant de stopper leur exploration par manque de corde. Il faudra revenir, car le gouffre continue plus profondément. Parallèlement Jessica, Charlotte et Cédric explorent un autre gouffre : le « Gouffre ++ » jusqu'à la cote -70 m. Ce gouffre se poursuit également.

Marie, Didier, Raphaël et Bruno réalisent eux, une séquence vidéo autour des champignons et des comètes de roche. Trois champignons sont photographiés. Les relevés photogrammétriques (technique de relevé photographique en 3 dimensions) des champignons pourront être comparés à ceux réalisés lors de l'expédition de 2019 dans la partie sud de l'île.

Le lendemain, suite à une nuit de tempête où les tentes ont été inondées, la décision est prise de redescendre à la cabane. Les spéléologues profitent de leur descente, pour explorer quelques cavités comme la perte « 25m nage libre » découverte la veille et pour en repérer également quelques nouvelles. Dans cette dernière cavité, Cédric équipe au perforateur et Charlotte le suit en assurant le relevé topographique.

Une fois rentrés au camp, Cédric relatera ainsi leurs aventures dans le journal de bord du camp Egg : « Contrairement à la veille, un cours d'eau ruisselle dans la trémie dès l'entrée. J'avance pour équiper le puits de 10 m. C'est la première fois depuis le début du camp que j'utilise un perforateur pour fixer les amarrages. Le méandre est joli et s'agrandit par la suite. Nous progressons dans l'eau mais compte tenu des conditions météorologiques, nous ne voulons pas nous engager même si la galerie continue. Un point topographique rouge est tracé sur un cairn, une autre équipe viendra terminer l'exploration par beau temps. »

Un nouveau camp au nord-ouest

Au briefing d'équipe mené par Bernard ce vendredi 7 février, il est décidé de diversifier les objectifs sur le secteur Egg en explorant une zone de lapiaz d'envergure située au nord-ouest du camp de base. Ce secteur avait déjà été visité en partie lors d'une expédition anglaise, puis polonaise en 2003 et 2008. Olivier, Sylvain, Arnaud et Sébastien partent donc le samedi 8 février sur cet objectif avec deux missions : ouvrir un chemin d'accès vers le lapiaz et établir un nouveau camp avancé sur zone au plus proche et au mieux protégée. Rapidement, ils trouvent un ancien cairn, témoin d'une expédition antérieure : anglaise ou polonaise ? En 2 heures, l'équipe atteint le karst en suivant bon nombre d'anciens cairns. Ils découvrent au passage un porche où est stocké du vieux matériel : un sac de spéléologie, 200 m de corde... et un mot « Expedition Polish 2003, Do not use by other group without emergency ». Le mystère est levé.... Ce sont bien les Polonais qui ont prospecté dans ce secteur. Autour de cette grotte, le groupe découvre plusieurs pertes qui ont déjà été explorées, ainsi que de nombreuses comètes et champignons de roche. Sur le chemin du retour vers le camp de base, l'itinéraire est balisé afin de pouvoir facilement être réemprunté.

Le lendemain, une autre équipe composée d'Olivier et Sébastien monte installer un camp avancé sur la partie dorénavant dénommée Camp Nord-Ouest, un peu en-dessus de la grotte des Polonais, au pied d'une falaise et à l'abri du vent. Malheureusement, comme il n'a pas plu ici depuis plusieurs heures, il n'y a pas d'eau pour les boissons, ni même pour préparer la nourriture lyophilisée. L'équipe finit par trouver un filet d'eau qui coule le long d'une cannelure, ils vont enfin pouvoir boire et manger ! Le lendemain, une pluie matinale permet de constituer des réserves d'eau. La prospection des cavités commence alors aux abords d'un lac tout proche où quelques pertes sont alors explorées. Après deux jours d'exploration, l'équipe est trempée mais le camp, lui, est bien au sec. Après un bon repas et une dernière bonne nuit sur les hauteurs de Madre de Dios, il est temps pour eux de rentrer à la cabane.

Il pleut, il pleut... sur Madre de Dios

Afin d'avoir une idée précise de la quantité d'eau qu'il tombe à la cabane, Alex H. a installé un pluviomètre. Le premier relevé de pluviométrie au camp Egg du 5 au 11 février totalise 146 mm de pluie environ. Le pic de précipitation enregistré est de 8 mm en une heure. Les averses ont été intenses, mais de courte durée. On se situe en-dessous de la moyenne de pluviométrie dans la zone pour l'époque (~220 mm).

Exploration à Haciendas Salinas

Plusieurs équipes se succèdent pour compléter l'exploration et la topographie de la Cueva de los Piratas (Haciendas Salinas)
Plusieurs équipes se succèdent pour compléter l'exploration et la topographie de la Cueva de los Piratas (Haciendas Salinas)
Plusieurs équipes se succèdent pour compléter l'exploration et la topographie de la Cueva de los Piratas (Haciendas Salinas)
Plusieurs équipes se succèdent pour compléter l'exploration et la topographie de la Cueva de los Piratas (Haciendas Salinas)

À partir du 7 février, plusieurs équipes de spéléologues vont se relayer pour explorer et topographier une cavité qui se situe de l'autre côté de la baie, juste en face la cabane, une cavité dénommée la « Cueva de los Piratas », déjà en partie explorée par une équipe de Centre Terre en 2008, puis la même année par une équipe d'explorateurs anglais. Un coin presque paradisiaque aussi appelé par certains, le lagon vert....

Une première équipe, constituée de Franck, Joël, Katia et Tanguy, s'engouffre en rampant dans l'entrée de la cavité. Puis une courte escalade de 2 à 3 mètres dans une cheminée étroite débouche dans une galerie de plus grande dimension. Le cheminement se fait alors sans problème vers le terminus français de 2008 où la conduite forcée s'arrête sur une trémie. Une désescalade de 4 mètres et un passage sous des blocs arrosés permettent de rejoindre la conduite forcée qui repart vers le sud. Une jonction sépare ensuite une conduite ascendante, qui mène directement vers le fond de la cavité, et une descente de plusieurs dizaines de mètres qui mène au siphon de cette cavité. À proximité du siphon, Franck repère des flaques d'eau où vivent de petits insectes cavernicoles. Il procède alors à leur prélèvement afin de pouvoir les identifier et les inventorier. Le courant d'eau dans les flaques ne facilite pas la manipulation, malgré tout, une dizaine de petits crustacés sont mis dans des tubes.

Pendant ce temps, Charlotte et Tanguy effectuent des relevés sédimentologiques sur des varves glaciaires. Il s'agit de sédiments très fins déposés lorsque le glacier obstruait l'entrée de la grotte. Un prélèvement réalisé à la base de la séquence de sédiments permettra de dater le début de la période de glaciation dans ce secteur de l'île.

Des prélèvements ADN dans la baie

Raphaël extrait des échantillons d'ADN présents dans l'eau
Raphaël extrait des échantillons d'ADN présents dans l'eau

À bord d'un zodiac, Raphaël part quotidiennement longer les berges des baies aux alentours de la cabane pour faire des suivis de biodiversité animale à l'aide de l'ADN environnemental. Cette méthode consiste à récupérer les traces d'ADN laissés par les êtres vivants dans l'eau (écailles, plumes, urine...) en filtrant environ 30 litres d'eau. Les particules d'ADN piégées seront ensuite analysées en laboratoire pour identifier la plupart des espèces marines présentes sur un site. Les analyses seront conduites à l'Université de Montpellier, spécialisée dans ce type de traçage disposant d'une base de données de tracage ADN parmi les plus importantes au monde.

Reprise et poursuite des explorations sur le Camp des Champis

Du 8 au 13 février, deux nouvelles équipes d'exploration se relaient sur le camp des Champi, Natalia, Laurence, Arnaud, Michel, suivis de Franck, Cédric, Katia, Denis, Clément et Bernard. Les résultats sont au rendez-vous avec une cavité dénommée le « Bowling », explorée jusqu'à la cote -150m et qui se poursuit, ainsi que diverses autres cavités explorées sur ce même secteur.

Le gouffre du Bowling est l'une des cavités qui continue et continuera d'être explorée
Le gouffre du Bowling est l'une des cavités qui continue et continuera d'être explorée
Le gouffre du Bowling est l'une des cavités qui continue et continuera d'être explorée
Le gouffre du Bowling est l'une des cavités qui continue et continuera d'être explorée
Près du camp Champis, différents avens et gouffres sont explorés
Près du camp Champis, différents avens et gouffres sont explorés
Près du camp Champis, différents avens et gouffres sont explorés
Près du camp Champis, différents avens et gouffres sont explorés
Un lac de sable blanc près du camp Champis
Un lac de sable blanc près du camp Champis

La seconde équipe achève son périple avec une reconnaissance de surface d'envergure en assurant la jonction entre le camp des Champis et le camp Nord Ouest. Un périple de près de 5h qui permet la localisation de nouveaux objectifs et également la découverte de multiples zones à comètes et trois nouveaux champignons karstiques.

Le 13 février.... Signes avant-coureurs d'un changement d'équipe programmé.

C'est l'effervescence sur le camp de base. L'équipe venue pour le premier mois d'expédition est sur le départ. Ces « juilletistes » (en référence à l'été austral actuel) doivent regrouper leurs affaires, sécher leur matériel, plier et ranger tout ce qui repart par avion, et conditionner tout ce qui réintégrera le container pour un retour en France fin juin.

Côté relève... c'est la même effervescence sur le continent chilien avec la nouvelle équipe des « Aoûtiens » en préparation pour son embarquement imminent vers Madre de Dios... Depuis quelques jours Jaime, Mathias et Amandine réalisent des courses sur Puerto Natales pour le ravitaillement alimentaire et matériel nécessaire pour la poursuite de l'expédition. Rejoints par le reste de l'équipe « d'aoûtiens » maintenant au complet, le départ de Puerto Natales vers la base de vie de l'Estero Egg est calé ce jour à 16h avec l'Armada de Chile. L'Armada de Chile est un partenaire de prestige et d'importance pour Centre Terre et l'expédition UP-2023, tant en matière de sécurité, au regard d'un potentiel accident ou d'une éventuelle évacuation qu'il conviendrait de gérer, que pour le convoyage maritime du changement d'équipe entre les « juilletistes » et les « aoûtiens » au moyen de leur frégate rapide LCG1617- Puerto Natales.

Le relais de février est prêt à naviguer à bord du LSG1617-Puerto Natales de la marine chilienne
Le relais de février est prêt à naviguer à bord du LSG1617-Puerto Natales de la marine chilienne

En soirée sur l'Esterro Egg, la nostalgie du départ s'est installée sur la base de vie.... Natalia est elle sur le pont, à bord du Note Rindas, pré-stationnée au point de rendez-vous fixé au petit matin, avec la frégate militaire, sur l'ile Hernando.

Mardi 14 fin de la première partie, ouverture de la seconde partie.

A 6h30 précise la frégate LCG1617- Puerto Natales, mouille aux côtés du Note Rindas... Nos treize « aoûtiens » sont tous là, livrés à bon port, tous beaux, tous propres ! Le transbordement est rapide et le Note Rindas fait son apparition vers 8h avec l'équipe devant la base de vie du Egg... sans pluie !

L'équipe est réunie à son grand complet pour quelques heures seulement. 46 Centre Terriens dans la base de vie ! C'est la joie et l'euphorie des retrouvailles pour une journée d'échange et de partage. A 18h, la fin des festivités a sonné, les «juilletistes» quittent le camp et l'Estero Egg retrouve sa tranquillité.

Départ de la Noté Rindas avec l'équipe des juilletistes a bord
Départ de la Noté Rindas avec l'équipe des juilletistes a bord
L'arc-en-ciel pour dire au revoir aux camarades qui rentrent à Puerto Natales
L'arc-en-ciel pour dire au revoir aux camarades qui rentrent à Puerto Natales

Une tranquillité, toute relative car la journée est loin d'être terminée .... Dès le retour du Note Rindas c'est une nouvelle aventure qui commence sans délais. La fenêtre météorologique attendue pour rejoindre le seno Baros Luco en passant par le Pacifique est là et on ne peut pas se permettre de la rater ! L'équipe Barros Luco s'active pour charger le bateau (3 gonfles Bombard équipés de leur moteur Suzuki ainsi que des vivres pour 3 semaines) et l'équipage lève l'ancre à 22h. Si tout va bien cette première équipe composée de Bernard, Clément, Katia, Denis, Mowgli et Laurent sera demain au devant de la base de vie construite en 2017 et réutilisée en 2019, base dont on n'a plus aucune nouvelle depuis. Ca sera donc la surprise en arrivant ...


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