Voici déjà six mois que l'expédition Ultima Patagonia 2023 a pris fin avec le retour des dernières équipes sur le vieux continent. Depuis cette date, de nombreuses tâches post-expédition ont pu être menées et d'autres sont encore en cours. Voici un résumé des informations les plus importantes qui se sont déroulées depuis le mois de mars.
Le matériel d'expédition chargé dans le container à Punta Arenas le 14 mars a été réceptionné à l'entreprise Solygotrans - périphérie de Lyon - au 7 juillet. Sitôt réceptionné, il a été déchargé durant le weekend des 8 et 9 juillet en présence des membres de l'expédition. Chacun a pu ainsi récupérer ses affaires et participer au séchage, à la réparation, au tri et au rangement des équipements collectifs - notamment les embarcations et les motorisations Suzuki, mais également toutes les tentes qui ont passablement souffert des aléas climatiques sur place.
Le dimanche s'est tenue la première réunion post-expédition. Ce fut l'occasion d'aborder les sujets liés aux finances de cette ambitieuse réalisation, aux retours d'image envers les partenaires, au stockage du matériel, au projet scolaire, à la rédaction du rapport, etc. Chacun s'est vu attribuer une ou plusieurs tâches à réaliser dans le courant des mois à venir. Si certains pensent encore qu'après l'expédition il est facile de tourner la page et de reprendre la routine, ils se trompent. En effet, il y a une masse considérable de travail à fournir dans les semaines et mois qui suivent une telle expédition. Et il faut s'y mettre dès l'atterrissage ! Tant que les souvenirs sont encore vifs en mémoire. Trier et sélectionner les photos, compiler le journal de bord, consolider le bilan financier, assurer les retours envers les partenaires, communiquer les résultats préliminaires, mettre au propre les topographies, etc, sont un aperçu des tâches que chacun peut entreprendre dès son retour. Loin d'être une corvée, elles permettent de revivre les bons moments passés sur place...
Le montage des rushes tournés en janvier et février est aujourd'hui entré en phase de finalisation par la société de production MC4. Nous en sommes dorénavant, à deux projections de validation avec le staff d'ARTE, dont la dernière autour de la mi-septembre. Le film devrait respecter les délais prévisionnels du calendrier pour une projection sur la chaîne publique vers la fin 2023. Quelques derniers ajustements doivent toutefois être apportés au niveau du son, des sous-titres, des effets visuels, etc. Mais il s'agit là de menus détails de dernière minute ne présentant pas d'incidences profondes sur cette réalisation. Nous ne connaissons pas encore le titre du film, ni sa date de projection, mais soyez assurés que ces informations vous seront relayées dès que l'équipe Centre Terre les aura en mains.
Le projet éducatif animé par l'équipe de Centre Terre autour de l'expédition Ultima Patagonia a été une très belle réussite et surtout un beau moment de partage, en réunissant 24 établissements - représentant 40 classes - soit très exactement 942 élèves ! A noter que d'autres classes, en Suisse et au Chili, ont également participé au suivi du projet scolaire sans toutefois être inscrites et comptabilisées par les soins du Rectorat de Toulouse en charge de la coordination de ce projet avec l'équipe Ultima Patagonia. A ces classes s'ajoutent aussi plusieurs enseignants ayant utilisé ponctuellement les ressources de l'espace scolaire de Centre Terre pour susciter l'intérêt des jeunes générations sur des thématiques environnementales, scientifiques ou encore sportives. Par ailleurs, tout au long de l'année 2022-2023, 13 interventions ont été organisées dans différentes classes, soit en visioconférence, soit sur place, par les membres de Centre Terre afin de faire le lien entre apprentissage et exploration sur le terrain.
Le projet éducatif s'est officiellement clôturé fin mai 2023, avec le dépôt des productions scolaires pour le concours co-organisé entre le Rectorat de Toulouse et Centre Terre. Deux classes ont été primées: celle de CM2 de Mme Marie-Eve Thabaut (Ecole la Prairie, Toulouse) pour le dossier intitulé “Carnet de Voyage” et celle de 5ème de M. Maxime Janzac (Collège Marengo, Toulouse) pour le travail intitulé “escape game”. Ces deux classes ont été récompensées par une sortie de spéléologie dans les montagnes ariégeoises, le 4 juillet 2023, accompagnées par des membres de l'expédition Ultima Patagonia 2023.
Ce ne sont pas moins de 12 scientifiques qui ont participé à l'expédition cette année ; leur champ d'expertise couvre aussi bien les sciences de la Terre (géologues, karstologues,...), que celles de la Vie (biologistes, spécialistes de la faune,...) ou celles de l'Homme (archéologue). L'expédition a été riche en découvertes et les échantillons, données et observations récoltés sur site sont pour la plupart en cours d'analyse.
Sur le plan géologique, de nouveaux affleurements de carbonates présentant notamment de la dolomie ont été découverts au nord de l'île. A ceci s'ajoute la découverte d'un morceau du complexe Denaro (mélange de basaltes, hyaloclastites, pélites, grès et calcaires métamorphisés) dans le Barros Luco, dont l'existence à cet endroit n'avait pas été répertorié à ce jour. L'analyse pétrographique de ces échantillons est en cours et une mise à jour de la carte géologique de Madre de Dios est prévue.
Sous terre, des échantillons de sédiments fluvio-glaciaire ont été prélevés dans la grotte des pirates pour être datés afin de connaître leur âge d'enfouissement qui pourrait correspondre à la dernière phase de déglaciation de l'île.
Sur le secteur du Barros Luco, en plus du nouveau carottage d'une grande stalagmite pour l'étude à haute résolution du climat passé de Madre de Dios, des capteurs de température ont pu être récupérés de la précédente expédition. Ils fournissent 4 années d'enregistrement des variations de température à l'intérieur et à l'extérieur de la grotte des Trois Entrées Plus Une. De la calcite moderne (précipitée entre 2019 et 2023) a également pu être récupérée sur des plaques en verre (voir photo 5) ; ces données actuelles serviront de point d'ancrage pour les interprétations climatiques passées.
Coté glacier, la mosaïque d'images produite lors d'un survol par drone de la langue glaciaire HPS-35 (sur lequel les membres de l'expédition ont géoréférencé et exploré 19 pertes ou moulins) a pu être comparée à une image satellite du CNES/Airbus 2022 ce qui a permis d'extraire une image du champ de vitesse de déplacement de la glace. En son centre, où la vitesse de déplacement est maximale, des valeurs de 90 m/an (à +-10 m) ont été calculées. Ces vitesses de déplacement sont du même ordre de grandeur, et viennent confirmer celles qui sont modélisées indépendamment sur l'Open Global Glacier Model (OGGM).
Les résultats du relevé photogrammétrique réalisé dans la grotte glacée de Lapis Lazuli ont également été valorisés. Le modèle 3D (photo 6) met en valeur des formes d'ablation de la glace rappelant les vagues d'érosion.
Ce dernier est en libre accès à partir d'un navigateur web : lien
Au niveau des sciences du vivant, l'inventaire de la faune locale - initié depuis plusieurs expéditions - s'est poursuivi. Sur cette édition, une attention particulière a été portée sur les oiseaux - notamment les espèces côtières - et sur la faune cavernicole. Dans la continuité des travaux de 2019, l'étude sur les populations de chauves-souris a été reconduite. Elle montre que le climat rigoureux de l'archipel a certainement conduit à l'isolement de ces populations, générant des caractères d'adaptation distinctifs.
L'étude des communautés bactériennes de l'île de Madre de Dios a également été poursuivie (continuité des travaux de 2019) et démontre que celles-ci survivent à la pénurie de nutriments dans les grottes, en tirant leur énergie de sources inorganiques (telles que le soufre, les nitrites et le méthane) et non par le biais des sources organiques traditionnelles. L'étude de ces communautés contribue à la découverte de bactéries ayant des capacités uniques d'adaptation aux écosystèmes les plus inhospitaliers de notre planète.
Pour le moment, la plupart des travaux scientifiques sont toujours en cours. Ils seront davantage détaillés dans le rapport d'expédition.
En complément du film documentaire réalisé par Arte, un rapport d'expédition relatant les explorations est en cours de rédaction. Ce travail titanesque compte déjà environ 350 heures de travail partagées entre plusieurs personnes. Il faut rédiger les textes, trier et choisir les illustrations, rédiger leurs légendes, etc. De plus, tous les textes devront être traduits en espagnol car le rapport sera aussi disponible dans cette langue afin d'être partagé le plus largement possible. Le contenu du rapport s'articule, dans sa première partie, autour d'un journal de bord quotidien détaillant les diverses activités des membres de Centre Terre durant l'expédition : que s'est-il passé à Puerto Edén, à Madre de Dios, dans les divers camps avancés, sur le glacier, etc ? Les topographies et les descriptions des cavités explorées ainsi que de courts textes décrivant un point particulier de l'expédition ponctuent les récits. On trouve ainsi un focus sur nos partenaires institutionnels chiliens (Marine du Chili, Ministère de Biens Nationaux, CONAF), un autre sur les camps avancés d'exploration, un sur la médecine d'expédition, etc. La seconde partie du rapport est consacrée au projet scolaire et enfin la troisième partie est un copieux chapitre scientifique où les chercheurs de l'expédition présentent leurs travaux réalisés à Madre de Dios.
L'Association Spéléologique de Patagonie est le bras droit de Centre Terre pour l'organisation des expéditions au Chili. En dehors de ces projets, l'objectif principal de l'Association est de promouvoir et développer une activité spéléologique autonome, sur le territoire chilien. Cette année, à la suite de l'expédition de janvier-février, l'Association a travaillé sur plusieurs projets afin d'encourager le développement de la spéléologie au Chili en toute sécurité, et ce dans la perspective à terme de pouvoir poursuivre l'exploration souterraine sur l'ensemble du territoire.
Tout d'abord, neuf modules d'initiation à la spéléologie ont été organisés, dans les environs de Santiago et en Patagonie (région de Aysén et de Magallanes).
En parallèle, des démarches pour obtenir les autorisations nécessaires à l'équipement d'une cavité dans la région de l'Aconcagua pour la transformer en grotte école ont été entreprises (Photo 7). L'accessibilité à cette cavité, doit permettre de favoriser le processus d'apprentissage aux déplacements en milieu souterrain.
Toujours dans le même élan, le premier championnat chilien des techniques de progression verticale en spéléologie est en cours d'organisation. Il est précédé de trois sessions de formation pour tous ceux qui ont suivi les modules de spéléologie (photo 8).
Initié depuis plusieurs années déjà, les travaux du projet éducatif "Cuerdas y Más" se poursuivent à Puerto Eden (région XII), Putaendo (région V) et Isla Mocha (région VII). Et enfin, les discussions concernant l'établissement d'un centre intéractif dédié à la spéléologie et à l'environnement souterrain à Puerto Natales ont repris. Elles montrent que l'intérêt des autorités locales pour ce projet est toujours présent.
Toutes les informations concernant les activités de l'Association sont disponibles à www.espeleopatagonia.cl